Source:
André-Nicolas-Marie Alix, "Violences exercées par la
populace envers le noé De Ronsière," 31 Oct.
1787,
Archives nationales: Y 10808B.
[page 1] 31 octobre
1787. Violences exercées par la populace envers le
no'é De Ronsière.
L'an mil sept cent quatre-vingt-sept, le mercredi trente-un octobre,
neuf heures et demie du soir, en notre hôtel et par devant nous,
André-Nicolas-Marie Alix, con'er du Roi, commissaire au
Châtelet de Paris,
est comparu Jean-Etienne de Ronsière, observateur au service du
S. Santerre, inspecteur de police, lui dem't rue St-Denis près
celle St-Sauveur chez le S. Brisson agréministe [?],
lequel nous a dit que ce soir il a arrêté une femme
mendiante rue St-Denis au coin de celle d'Avignon, après l'avoir
suivie depuis St-Magloire et s'être assuré qu'elle
mendiait dans toutes les boutiques, que cette femme tenait un enfant
dans son tablier et qu'elle était suivie de deux autres qui
entraient après elle dans les boutiques et mendiaient à
leur tour,
qu'il avait eu la précaution de prévenir la garde du
poste de la rue St-Germain-l'Auxerrois avant de s'emparer de cette
femme et qu'il ne l'a arrêtée qu'à l'aide d'une
section sortie de ce poste,
que le peuple s'étant amassé lors de cette capture par
les cris et la résistance qu'a faits cette femme, le sergent a
été obligé d'envoyer chercher au poste une seconde
section, à l'aide de laquelle on a contenu la populace et
conduit cette femme et l'un des enfans qui la suivaient, l'autre
s'étant échapé, chez m'e Ferrand notre
confrère,
qu'en son absence on a détaché un soldat pour savoir
lequel de nos confrères se trouvait chez lui, et qu'au retour de
ce soldat et sur son raport on les [page
2] a conduit chez m'e Delaporte notre confrère,
que le peuple les y a suivis et que le nombre s'en étant
continuèlement augmenté, il s'en est trouvé une
très grande quantité dans la rue aux Ours,
que m'e Delaporte ayant reconnu la vérité du raport que
lui faisait le comparant, il était déterminé
à faire conduire cette femme à l'hôtel de la Force,
conformément aux ordres du Roi, mais que le peuple paraissant
disposé à faire une émeute, il a jugé qu'il
était plus prudent de la faire relaxer, et qu'en
conséquence elle l'a été,
que pour éviter l'effet des menaces du peuple le comparant s'est
retiré sous l'escorte de la garde,
qu'étant arrivé dans la rue Quincampoix près la
rue de Venise, comme le peuple les suivait toujours, le sergent a
proposé au comparant de se sauver pendant que lui et ses soldats
alaient barer la rue et interrompre le passage, ce qui s'est
exécuté,
que dans la rue St-Martin au coin de la rue Aubry-le-Boucher, il a
rencontrée une trentaine de personnes qui ont voulu
l'arrêter et qui l'ont maltraité à coups de
bâtons, que néanmoins il a continué à fuir
dans la rue St-Merry, mais que le passage lui en a été
interrompu par des gens qui se sont jetés au devant de lui,
qu'il a été obligé de revenir sur ses pas, qu'il a
encore été maltraité, renversé et
foulé aux pieds jusqu'à ce qu'enfin il ait pu se
réfugier en notre hôtel, à la porte duquel la
populace s'est amassée de nouveau.
Nous [page 3] étions absent en cet
instant, et pendant que l'on venait nous chercher, la populace ayant
trouvé la porte ouverte pour le service de la maison, douze ou
quinze hommes ont forcé la porte, sont entrés dans la
maison et ont parcouru tous les escaliers, les greniers et tous les
endroits qui se sont trouvés ouverts, ont essayé
d'enfoncer à coups de pieds les portes qu'ils ont trouvée
fermées. Ils ont obligé plusieurs de nos locataires
de leur ouvrir leurs portes en menaçant et essayant de les
enfoncer à coups de pieds. Ils ont fait perquisition dans
tous les endroits où ils ont pu pénétrer dud. De
Ronsière en disant qu'ils voulaient l'assomer. Un ayant
apris dans le cours de leurs violences que la garde venait d'arriver,
ils se sont échapés en peloton de manière qu'il
à été impossible à la garde, qui
n'était pas en force sufisante, d'en retenir aucuns.
A notre arrivée nous avons trouvé la rue obstruée
par la quantité innombrable de personnes qui la remplissait.
Pendant que nous étions à rédiger le
présent procès-verbal, plusieurs mutins ont encore
essayé de forcer la garde et de se faire ouvrir la porte en y
frapant à coups redoublés.
Sur le raport des faits ci-dessus nous avons fait dans la maison
perquisition exacte pour nous assurer s'il ne s'y trouvait pas encore
quelques mutins, et n'en ayant trouvé aucuns, le tumulte, le
bruit et les menaces augmentant, nous avons été [page 3] obligé pour les
faire cesser, prévenir des accidents plus graves et metre la
personne dud. De Ronsière en sûreté, de le faire
conduire pour sûreté de sa personne au Châtelet.
En conséquence il a été remis au S. Antoine
Vannier, sous-brigadier du guet à cheval de poste à la
Planchette, pour être conduit sous l'escorte du S. Jean
Chaussepied, sergent de la garde de poste à
St-Jacques-[de]-l'Hôpital, au Châtelet, d'où il sera
relaxé aussitôt qu'il n'y aura plus de danger pour lui.
Et nous a observé led. De Ronsière qu'à la porte
de m'e Ferrand notre confrère il a été
maltraité par un particulier garçon marchand dem't rue
St-Denis, qui a été conduit chez m'e Delaporte qui l'a
fait relaxer après avoir pris ses noms.
Et de ce que dessus nous avons fait et dressé, pour servir et
valoir ce que de raison, le p'ent procès-verbal qui a
été signé par led. De Ronsière et nous,
après que dix mots ont été rayés co'e nuls.
[Signed:]
Alix. Deronsière.