Source:
François-Antoine de Flandre de Brunville to Charles-Simon
Bachois de Villefort, "Réquisitoire contre des quidams auteurs
de désordre et tumulte," 28 Sept. 1788, Archives nationales: Y
9990.
[page 1] M. le Procureur
du Roy. Réquisitoire contre des quidams auteurs de
désordre et tumulte. Dép. le 28 7'bre 1788.
Monsieur le Lieutenant-criminel,
Vous remontre le Procureur du Roy que les excès et les
désordres auxquels des gens malintentionnés et ennemis de
la tranquilité publique se sont abandonnés depuis quelque
tems, ont excité le zèle et la vigilance de la
Compagnie. Par deux sentences rendues au Châtelet de Paris
la Compagnie assemblée les trente aoust dernier et dix-sept du
présent mois, il a été fait deffenses à
toutes personnes de s'attrouper, comme aussi de lancer aucuns
pétards, fuzées et autres artifices sous les peines
portées auxd. sentences, et notament à peine d'être
poursuivis extraordinairement à la requête dud. Procureur
du Roy. Ces mêmes deffenses ont été
renouvellées plus solemnellement encore par la Cour suivant son
arrêt du vingt-quatre de ce mois. Cependant, Monsieur, il
paroît qu'au mépris des ordonnances et règlemens,
et notament des arrêts et sentences susdattés, il se
commet encore journellement de nouveaux désordres, que la
licence se perpétue et s'est élevée à un
degré qui nécessite d'employer des voyes [page 2] rigoureuses pour y apporter
remède et en arrêtter le cours. En effet led.
Procureur du Roy vient d'être informé que dans le cours de
la nuit dernière des quidans attroupés, ayant à
leur tête un gagne-denier demeurant rue Tireboudin, se sont munis
d'une quantité considérable de fuzées et de
pétards qu'ils affectoient de jetter dans les voitures, à
la tête des chevaux et dans les boutiques, de sorte qu'ils
avoient risqué de mettre le feu dans la boutique d'un marchand
de poupées de la rue St-Denis. Il est encore venu à
la connoissance dud. Procureur du Roy que dans la rue St-Louis,
quartier du Palais, une fuzée jettée dans la
croizée du quatrième étage de la maison d'un
marchand jouaillier avoit mis le feu à un rideau, que
heureusement on étoit monté assez à tems dans
l'appartement pour empêcher les progrès de la flamme et
éteindre le feu, que dans la rue aux Fers trois quidans avoient
causé la plus grande inquiétude à leurs voisins
par la quantité de chandelles romaines qu'ils avoient
lancées, que dans la rue St-Honoré vis-à-vis la
rue Lenoir un marchand épicier avoit jetté sans aucunes
précautions un très grand nombre de fuzées et
pétards à fin d'attirer le public et de vendre la
provision qu'il avoit [page 3]
faite, que ce moyen lui avoit réussi mais qu'il en étoit
résulté beaucoup de trouble dans cet endroit et
d'inquiétude pour les voisins de ce marchand, que hier soir le
carosse de place numéroté 168W passant rue des Cordeliers
a été assailli par une grande quantité de
fuzées au point que les chevaux se sont emportés, que le
cocher n'en étant plus le maître est tombé de son
siège et a été grièvement blessé,
que dans le cloître Ste-Opportune un autre carosse de place
numéroté 77B a été pareillement assailli de
fuzées, qu'il a manqué de verser et de blesser beaucoup
de monde, qu'enfin un marchand de la rue St-Martin et ses
garçons se sont permis dans le cours de la nuit dernière
de mettre une chaise dans le milieu de la rue, sur laquelle ils ont
tiré beaucoup d'artifices et qu'ils ont même eu la
témérité d'en jetter sur les personnes qui
passoient.
Tous ces excès sont d'autant plus répréhensibles
que ceux qui les ont commis n'ignoroient pas les défenses
expresses de la Cour et du Châtelet, et il vous paroîtra
sans doute très important, Monsieur, pour le
rétablissement du bon ordre et le maintien de la
tranquilité publique, de sévir suivant la rigueur des
loix contre les coupables. Mais pour parvenir à [page 4] les connoître et pour
leur infliger les peines qu'ils ont encourues, led. Procureur du Roy
estime qu'il est de son devoir et de son ministère de se
pourvoir aux fins cy-après. A ces causes requiert lui
être donné acte de la plainte qu'il rend des
désordres, excès et troubles faits au repos public
mentionnés au présent réquisitoire, circonstances
et dépendances, en conséquence en être
informé par-devant tel commissaire qui sera par vous
nommé à cet effet, et cependant le cocher de place
conduisant le carosse n'té 168W être vu et visité
par les médecins et chirurgiens du Châtelet, à fin
de constater la cause et l'état de ses blessures, pour le tout,
fait et communiqué audit Procureur du Roy, être par lui
requis et par vous ordonné ce qu'il appartiendra, et vous ferez
justice.
[Signed:]
De Flandre de Brunville.
27 7'bre 1788.
[Inversed:] Acte de la
plainte, permis d'informer par-devant le comm're Ferrand, et au surplus
soit fait ainsi qu'il est requis. Fait ce 29 7'bre 1788.
[Signed:]
Bachois.